"Elon Musk menace les agents du FBI et les contrôleurs aériens de démission forcée s'ils ne répondent pas à un e-mail."
Les employés et les médias s’indignent.
Il y a quelque chose d’intéressant dans l’exercice qu’il propose. Il demande à ses employés de résumer leur travail de la semaine passée en cinq points clés, puis d’envoyer ce rapport en mettant leur supérieur en copie.
Pour ma part, je trouve l’exercice pertinent. D’ailleurs, j’ai moi-même une pratique similaire depuis plusieurs années : chaque mois, je remplis une fiche où je note mes réalisations, leur impact et les enseignements que j’en ai tirés. Cet exercice m’aide à prendre du recul sur mon travail et mes compétences. Face aux imprévus, aux distractions et aux changements constants, avoir une vision d’ensemble est éclairant.
Mais quelle est l’intention réelle derrière cette demande d’Elon Musk aux fonctionnaires américains ?
l’inefficacité légendaire des grandes organisations
Évidemment, Musk cherche à démontrer que de nombreux fonctionnaires ont un impact limité sur leur organisation. Le quotidien d’un col blanc est bien connu et souvent tourné en dérision, que ce soit dans des films comme Office Space ou sur YouTube : réunions interminables, échanges d’e-mails futiles, luttes politiques internes… Tout sauf du travail créateur de valeur.
Son approche est brutale et intrusive, menaçant directement l’emploi de milliers de personnes. Mais si l’on met cette menace de côté, l’exercice en lui-même pourrait révéler une vérité dérangeante : dans de nombreuses organisations, la structure même du travail empêche les employés de réellement travailler.
Les grandes entreprises et administrations sont souvent inefficaces, non par accident, mais par design. Certains cyniques affirment même que leur objectif principal est de préserver leur propre structure, plutôt que de livrer de la valeur à leurs clients ou citoyens.
libérer les contributeurs individuels
Comment permettre aux employés d’échapper aux blocages organisationnels ?
Malheureusement, il faudrait se débarrasser de ceux qui bénéficient du statu quo. Beaucoup de cadres ont commencé leur carrière avec l’envie de changer le monde, avant de se résigner à faire le minimum pour conserver leur poste. Certains ont même si bien maîtrisé les règles du jeu qu’ils ont gravi les échelons, devenant les garants d’un système inefficace.
Dès lors, supprimer la hiérarchie devient une condition sine qua non pour atteindre une véritable efficacité organisationnelle. Mais la résistance est forte : ceux qui profitent le plus de ces dysfonctionnements sont les cadres et la haute direction, jamais les contributeurs individuels.
l’auto-organisation : une alternative efficace
Les entreprises technologiques ont prouvé qu’il est possible d’atteindre ses objectifs sans une hiérarchie lourde. Avant d’être récupérée par les grandes entreprises, la philosophie Agile promouvait des principes simples et efficaces pour concevoir des logiciels.
Un exemple marquant est Valve, l’éditeur de jeux vidéo. Dans cette entreprise, il n’y a pas de hiérarchie formelle. Les employés sont libres de choisir les projets sur lesquels ils souhaitent travailler et avec qui ils veulent collaborer. Mieux encore, ils sont encouragés à lancer leurs propres initiatives !
"Une équipe auto-organisée dispose de l'autonomie nécessaire pour décider, en tant que groupe, de la manière dont ses membres travailleront ensemble, des collaborateurs responsables des décisions et des étapes concrètes pour atteindre ses objectifs."
Une autre approche similaire est le "Mission Command". Issue du domaine militaire, cette philosophie repose sur l’idée que les subordonnés doivent recevoir des objectifs clairs mais disposer d’une large autonomie pour les atteindre.
"La capacité à assigner des tâches aux subordonnés avec un minimum d'instructions explicites est un élément clé du 'Mission Command', adopté par plusieurs armées occidentales. Cette approche permet une grande flexibilité dans des situations dynamiques, exploitant les opportunités grâce à la créativité des subordonnés et leur compréhension de la situation immédiate, sans nécessiter de nouveaux ordres."
La remise en cause des hiérarchies rigides et de la bureaucratie inefficace est peut-être ce qui dérange le plus dans l’approche d’Elon Musk.
quand une question devient un problème
Si la simple question "Qu’as-tu fait la semaine dernière ?" suscite autant de malaise, c’est sans doute le signe d’un milieu gangréné par l’inefficacité.
D’ailleurs, plutôt que de cibler les fonctionnaires, Musk pourrait se contenter deposer la même question aux directeurs des organismes d’État. Ce serait suffisant :
"Chers directeurs, qu’avez-vous fait la semaine dernière ?
Listez cinq points clés et envoyez une copie à tous vos employés."