Avant de couper la parole ou d'entrer dans un débat argumentatif avec autrui, il est essentiel de suspendre notre jugement. Ce texte explore pourquoi cette démarche, loin d'être un simple exercice intellectuel, est la clé d'une sagesse profonde.
Le jugement est cet acte mental où l'on affirme qu'une assertion est vraie. Il peut se décliner en jugements de faits, comme "il pleut depuis ce matin", ou en jugements d'opinion, tels que "c'est une journée moche aujourd'hui". On peut aussi y inclure des jugements moraux, administratifs, esthétiques, voire pratiques.
Dans tous ces cas, l'esprit humain s'engage dans une évaluation souvent décisive entre deux éléments. Le jugement administratif, par exemple, découle d'une décision fondée sur des lois et des règlements, tandis qu'un jugement esthétique qualifie une œuvre en fonction de critères esthétiques.
Bien que le relativisme nous incite à accepter tout jugement comme une opinion subjective, permettant ainsi à chacun de s'exprimer sans crainte des répercussions, il constitue également un piège : toute recherche sincère de vérité, de sagesse ou de connaissance exacte se trouve alors ramenée au même niveau que les élucubrations d'une personne déséquilibrée.
En réalité, chaque jugement cache une prétention à la vérité. Il tranche, il impose une conclusion, il clôt un débat.
Mais avant le jugement posé, tout demeure ouvert. Dans le domaine juridique, cela se traduit par l'enquête, les plaidoiries, la délibération. En science, il s'agit d'observer, d'analyser, d'interpréter.
Adopter cette démarche autant méthodique que prudente, c’est reconnaître que la vérité existe, et qu’elle mérite notre effort pour la découvrir.
Et si nous nous placions, ne serait-ce qu'un instant, du point de vue du philosophe ? Alors la vérité deviendrait notre seul objectif. Nous éprouverions un certain dédain pour les débats futiles, pour ces discussions où chacun cherche à imposer son jugement, à affirmer son opinion sur tout et rien. Plutôt que de répandre à tous vents nos jugements, nous choisirions de cultiver une incertitude prudente, de suspendre notre jugement et de nous consacrer à une réflexion plus profonde.
En vérité, la méditation et la réflexion sont des récompenses en soi. L'esprit qui s'épuise à juger se fatigue, se dilue, tandis que l'esprit du philosophe, ouvert et serein, trouve dans l'émerveillement un équilibre bien plus précieux.
Loin de l'agitation politique et des discours narcissiques, nous fermons nos écrans, adoptons la simplicité volontaire, pratiquons la méditation, écoutons davantage et parlons moins. Ce retour à la philosophie, comme art de vivre, se fait sentir dans notre quête de sens.
C’est en suspendant le jugement que nous nous offrons la possibilité de récolter les fruits de la sagesse.