Lire l'histoire du règne de Cambyse II, roi des Perses de 530 à 522 avant notre ère, jusqu'à la prise de pouvoir de Darius nous éclaire sur les dangers du pouvoir absolu exercé par un seul homme, et sur ses conséquences néfastes — surtout pour ceux qui l'entourent.
Son règne éphémère illustre les dérives du pouvoir exercé sans contrôle ni obligation de rendre des comptes. Fils de Cyrus II, Cambyse conquit l'Égypte en -525, fondant la XXVIIe dynastie. Cette conquête fut marquée par une brutalité extrême. Vexé par la résistance du roi Psamménite, Cambyse fit massacrer ses enfants qu’il fit défiler en habillés en esclaves et portant des nœuds coulants. Il profana également des sépultures égyptiennes en guise de représailles.
Mais son ambition ne s'arrêta pas là. Il lança trois expéditions militaires, toutes soldées par des échecs. La première fut abandonnée : sa flotte phénicienne refusa d’attaquer Carthage. La seconde échoua de manière tragique : voulant conquérir l’Éthiopie, Cambyse II envoya une armée sans préparation ni ravitaillement, ce qui mena ses soldats à recourir au cannibalisme pour survivre au milieu du désert. Enfin, une armée partie attaquer le sanctuaire d’Ammon, dans l'ouest du pays, disparut dans le désert, emportée — selon les Ammoniens — par une tempête de sable.
La fin du règne de Cambyse II fut marquée par la folie. S'amusant de blasphémer les croyances religieuses locales, il aurait fatalement blessé le dieu-bœuf Apis vénéré des Égyptiens, et ordonné l'assassinat de son frère ainsi que de sa sœur.
L'historien grec Hérodote présente le complot des Sept, où sept nobles perses dont Darius massacrent les usurpateurs du trône perse comme un moment fondateur où une réflexion politique fait jour. Il faut savoir que juste avant sa mort, Cambyse II fut victime d'un stratagème organisé par un de ses hommes de confiance : suivant l'assassinat discret du frère de Cambyse II, comme la population n'était pas au courant de sa disparition, il le remplaça par son propre frère. Ainsi ce dernier, non-Perse, devint roi suivant la mort de Cambyse II et régna comme usurpateur pendant quelques années.
Après des années de désordre et de malheurs, la noblesse perse prit finalement le temps de réfléchir sur le meilleur système politique pour restaurer la puissance perse. Tous s'accordèrent pour ne plus jamais accepter de se soumettre au pouvoir d'un homme seul pouvant agir à sa guise sans devoir rendre de compte. En tous les cas l'orgueil, la quête du profit personnel et la hâte inconsidérée sont des tares émanant d'une telle situation politique.
L’historien grec Hérodote raconte ensuite le « complot des Sept » : sept nobles perses, dont Darius, renversèrent les usurpateurs du trône. Ce moment charnière donne lieu à une réflexion politique profonde : après des années d’injustice, les nobles débattent du meilleur système de gouvernement. Tous s’accordent sur un point : il ne faut plus jamais laisser un seul homme gouverner sans être soumis à un quelconque contrôle.
Car un tyran ne règne jamais seul. Son pouvoir repose sur l’obéissance et la complaisance de ceux qui l'entourent. Lorsque sa flotte refusa de l’écouter, Cambyse fut impuissant. Lorsque le roi d’Éthiopie se moqua de ses menaces, il ne put rien y faire. Mais dans d'autres cas, ses hommes lui obéirent aveuglément : un officier de confiance partit même jusqu’en Perse pour faire disparaître son frère. Accepter de servir un tyran, ou simplement vivre dans son entourage, est dangereux. Sa garde rapprochée subit sa violence, souvent jusqu’à la destruction de leurs propres familles.
On ne devrait jamais accepter la soumission à un tyran sous prétexte qu’il est de notre race, ou qu’il dégage une forte personnalité. L’orgueil, la démesure et la quête du pouvoir personnel sont déjà de lourds défauts chez n’importe quel individu. Lorsqu’un homme puissant en est victime, les conséquences sont catastrophiques.
Le complot des Sept, tel que relaté par Hérodote, met en lumière une idée rare mais précieuse : celle de l’action résolue et discrète. Contrairement à Cambyse, présenté comme un despote agissant dans l’impulsivité, les six premiers conjurés agirent d'abord dans la prudence et l’ombre. Darius, le septième, prit la tête du projet, convaincu qu’il serait dangereux d’attendre davantage. Et encore plus risqué d'inclure de nouveaux participants au complot. Il sait qu’agir à sept était déjà risqué : plus le cercle est large, plus la discrétion est fragile. L’action, pour être efficace, doit être lente et rapide à la fois.
On retrouve cette même sagesse stratégique dans une maxime du corps militaire d'élite américain SEAL : « Slow is smooth, and smooth is fast. »